de l'intolérance
Cette semaine, ma patronne, qui est malgache, s’est fait agresser verbalement dans l’autobus. Un homme blanc d’une cinquantaine d’années, ni saoul ni instable mentalement, avait visiblement un trop plein de colère et s’est mis à crier après les « maudits immigrés » qui composent une large part de la population, ici, à Ottawa. Sur la quinzaine de personnes qui prenaient l’autobus ce matin-là, au moins dix étaient d’une autre couleur que le blanc. Ils sont tous restés muets d’étonnement : quoi, ce monsieur crie des propos racistes, dans un autobus en 2006? Fait amusant : c’est un jeune homme blanc qui s’est impatienté et qui est allé prévenir le chauffeur, qui lui a prévenu la police. Et il paraît que le monsieur s’est décomposé quand il a vu arriver le policier noir…
Cette anecdote m’a amené à réfléchir à l’intolérance. On peut condamner en bloc cet homme frustré qui s’en prenait visiblement aux mauvaises personnes, mais sommes nous tous vertueux, au fond? Je dénonce cette attitude raciste avec vigueur, mais n’y a-t-il pas une fibre d’intolérance en moi aussi?
Il y a certainement un point sensible, une pente glissante, un sujet pour nous faire péter les plombs, à tous. Le mien? Les unilingues anglophones au Québec. Me faire aborder en anglais à Montréal me donne envie de gueuler dans l’autobus.
Je travaille à Ottawa depuis bientôt deux ans et je me suis fait à l’idée de parler toujours, toujours en anglais. La Capitale supposément bilingue d’un pays supposément bilingue est, dans les faits, très fortement anglophone. Au Starbuck’s comme à l’Hôtel de Ville, quand je demande si on peut me servir en français, non seulement on me répond « non », mais j’ai souvent droit au regard exaspéré des gens derrière moi dans la file d’attente. Je me débrouille fort bien en anglais, là n’est pas la question, et en sol ontarien, je suis prête à fermer ma gueule et à commander mon latté dans la langue de Shakespeare. Mais en sol québécois, si j’entends parler anglais, si une vendeuse m’aborde en anglais ou si un jeune me cherche noise au métro Snowdon, je vous le jure, je pète les plombs.
Je suis intolérante.
C’est donc dire que l’intolérance est un phénomène plus insidieux qu’il n’y paraît. Qu’être ouvert d’esprit est un combat de tous les instants. Et qu’il nous faut tous apprendre, quand quelque chose vient nous titiller le point sensible, à prendre une grande inspiration au lieu de se mettre à crier des noms dans l’autobus.
L'intolérant est toujours là, tapi en chacun de nous, prêt à bondir...
2 Commentaires:
Moi, Isabelle, je pète ma coche solide paradoxalement lorsque je suis particulièrement gentille. Je n'ai plus aucun respect pour ces gens foncièrement désagréables qui n'arrivent pas à avoir une conversation gentille avec une fille gentille...Moi, dans la vie, j'essaie d'être souriante et polie avec les inconnus que j'aborde (le chauffeur de l'autobus, la vendeuse au magasin de laine, la réceptionniste au Spa). Quand ces personnes sont bêtes avec moi, après mon agréable introduction, je les envoie paître ma fille, ça fait peur...
25/3/06 13:33
Je te comprends Isabelle, au sujet de l'anglais à Montréal. Je remarque que c'est de plus en plus répandu, dans les cafés, les commerces, du centre-ville (et là je ne parle pas particulièrement des quartiers anglophones qui sont aussi différents du Québec que la Rhodésie l'était de l'Afrique noire). C'est de plus en plus répandu de parler anglais partout dans certains milieux de Montréal. L'Office québécois de la langue française est débordé de plaintes nouvelles depuis 3 ans, c'est-à-dire : depuis que Jean Charest est au pouvoir. D'ailleurs, quelqu'un pourrait-il trouver un seul endroit, un seul moment où ce gouvernement a prononcé ces deux seuls mots : « langue française » ?
Quant aux entreprises qui offrent des services « en français », il faut voir à quoi ressemble ce français ! Sprint-Rogers, par exemple : une fois, j'ai dû appeler le service à la clientèle. Je compose le numéro et on me répond en anglais, uniquement, quelque chose que je n'ai absolument pas compris (je suppose que les employés doivent gagner des concours de vitesse) ; je dis simplement, en français : « Madame, je n'ai absolument rien compris de ce que vous venez de dire. » Alors, sur un ton très irrité, elle a vite lancé un « Oh !!! French !!!! » et, sans rien ajouter quoi que ce soit, elle a appuyé sur une touche et j'ai attendu... 45 minutes que quelqu'un daigne me répondre en français. Mais je n'avais pas le temps de m'ennuyer car, durant ces 45 minutes, on n'a pas cessé de me faire entendre de charmants messages disant qu'ils tenaient à me donner un bon service et qu'ils regrettaient de me laisser attendre ; sauf que ces messages étaient diffusés... uniquement en anglais. Dois-je ajouter qu'après deux ou trois expériences du genre, toujours avec la très agréable compagnie Sprint-devenue-Rogers, je suis maintenant un abonné d'une autre entreprise ? J'en parlerai dans mon propre blogue dès que je trouverai un moment pour l'écrire.
26/3/06 21:41
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